Mouvement des sans-terre

22-07-2008
M. DARIO DE AZEVEDO NOGUEIRA JUNIOR, (2008),
« L’interférence du Mouvement des sans-terre au Brésil dans l’ordre du jour des médias »,
article publié le 22 juillet 2008 sur le site du Réseau d’études sur le journalisme : http://florlecam.com/slj//lectures/mouvement-des-sans-terre/.

 

L’interférence du Mouvement des sans-terre au Brésil dans l’ordre du jour des médias.

M. DARIO DE AZEVEDO NOGUEIRA JUNIOR est Professeur à l’Université UFES au Brésil, Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication.-Institut Français de Presse (IFP)-Université Panthéon – Assas (Paris II).

Résumé
Le présent article a pour objectif d’examiner qu’à des certains moments les mouvements sociaux et l’opinion publique ont la capacité d’interférer dans « l’agenda » des journaux. Pour cela, nous partirons de l’étude d’un mouvement social particulier au Brésil, le mouvement des sans-terre « MST », dans sa relation avec les médias à deux moments précis de son histoire : lors des événements de l’Eldorado dos Carajás (1996) et de la Marche vers Brasília (1997), démontrant ainsi que ce ne sont pas seulement les médias qui choisissent « l’ordre du jour » du débat public.

Abstract
The present article has as an objective to examine certain moments in which social movements and public opinion have the capacity to interfere in the agenda of the media. For this end, this study will focus on one particular social movement in Brazil, the Movimento dos Sem-Terra (MST) and its relationship with the media in two precise moments of its history : the events of Eldorado dos Carajás (1996) and the Marchs to Brasilia (1997). Thus it shall be demonstrated that it is not the media which determine the issues for public debate.

Mots-clés
Agenda Setting, Brésil, Média, Mouvement des Sans-Terre, Mouvements Sociaux, Opinion Publique, Théorie de la Communication.

INTRODUCTION

Les mouvements sociaux et l’opinion publique ont-ils la capacité d’imposer leurs actions et leurs discours dans l’espace public des médias ? Peuvent-ils briser la loi du silence qui s’établit autour de certains événements ? Ce travail propose une réflexion sur cette question – Il s’appuie sur le mouvement des sans-terre « MST » au Brésil, dans sa relation avec les médias à deux moments précis de son histoire : lors des événements de l’Eldorado dos Carajás (1996) et de la Marche vers Brasília (1997).
Au Brésil, les réseaux de communication portent indiscutablement une marque culturelle et idéologique, parce qu’ils se sont développés et façonnés sous le triple signe du développement technologique, de la concentration et de l’influence de l’État. Cependant, on peut observer que de nombreux sujets qui ne sont pas de l’intérêt de la grande presse ou du gouvernement, tels que des mouvements sociaux spécifiques ou des scandales politiques, économiques et sociaux, sont tout de même arrivés à rompre le silence des journaux, de la radio, de la télévision etc., portant alors leurs questions à la discussion de l’opinion publique.
En ce sens, commençons par suggérer quelques hypothèses de travail : tout d’abord, nous émettons l’hypothèse que le public, soit « l’individu-consommateur », intervient aussi dans l’agenda des médias dont la caractéristique est de vendre l’information. Balle rappelle à ce propos : « Avant toute chose, les médias recherchent le profit : ils voudraient que tout se vende, que tout s’achète. Pour atteindre leur objectif, ils s’emploient à répondre aux attentes de leurs « clients », ils cherchent avant tout « à plaire et à séduire ». Le marché, c’est ce qui marche ; la concurrence, quant à elle, ne permet que de laisser le dernier mot aux clients. Que le meilleur gagne ! Tel est l’adage populaire » (2000 : 113).
D’autre part les mouvements sociaux ont aussi la capacité, à travers leurs organisations sociales, de redéfinir l’agenda des thèmes abordés par les médias et par l’opinion publique, et peuvent ainsi influencer la concurrence de la vente de nouvelles en rompant le « silence » entre les moyens de communication de masse. L’importance de la théorie de « l’agenda setting » est réellement notable, mais nous pensons qu’elle ne se limite pas à l’activité des seuls agents médiatiques, car elle subit l’influence des actions externes à l’industrie des médias à proprement parler.
Plusieurs chercheurs, aux opinions les plus diverses, ont déjà souligné l’importance de la relation entre les mouvements sociaux et les médias. Parmi les auteurs contemporains, Klandermans (1998), (1997), (1996) qui travaille avec les concepts de Habermas et Oberschall, propose l’hypothèse de la communication collective qui n’est pas créée par des individus isolés, mais qui naît dans des espaces de socialisation de la routine quotidienne tels que les universités, les congrès scientifiques, au sein des partis, dans les cafés, et à travers e-mail etc., il démontre aussi que la protestation sociale est construite par la société elle-même et que les mouvements sociaux peuvent avoir un énorme impact sur le discours des médias.
Notre choix d’étude sur le mouvement des « sans terre » se base sur la distinction de différents aspects : Tout d’abord, ce mouvement a, tout au long de son histoire, été toujours négligé par les médias brésiliens. Nonobstant cela, il a réussit à sensibiliser une partie considérable de la société brésilienne et des organismes humanitaires internationaux à travers son action politique, et il nous a conduit à enquêter sur : Comment un mouvement qui ne bénéficiait pas de l’appui des médias nationaux a t-il pu sensibiliser une bonne partie de l’opinion publique ? Par ailleurs, on pourrait s’interroger sur la mise en évidence du mouvement après les tragiques événements d’Eldorado do Carajás qui ont suscité la concurrence entre les moyens de communication. En outre, à partir de 1997, malgré la tentative du gouvernement et des médias nationaux de ne plus intégrer dans des journaux les « sans terre », ce mouvement est parvenu à créer des mécanismes pour continuer de figurer à la une des titres de journaux et dans les débats publics . Alors, comment un tel mouvement a-t-il pu pousser les médias à maintenir dans leur agenda le sujet de la réforme agraire ?
Nous verrons ici les problèmes et les défis dans leurs relations avec les réseaux de communication, l’image que le mouvement cherche à construire pour sensibiliser l’opinion publique et forcer ainsi les médias à répertorier le problème de la réforme agraire dans les journaux. Pour ce point, nous observerons comment la grande presse a analysé les événements de l’Eldorado do Carajás (1996) et la Marche des 100 mille (1997). Le matériel utilisé pour cette étude est constitué d’un corpus de près de 300 articles publiés dans les cinq principaux journaux du pays : A Folha de São Paulo (FSP), O Globo (OG), O Estado de São Paulo (ESP), Jornal do Brasil (JB) et A Gazeta Mercantil (GM). Par ailleurs les revues de style « News Magazine », tels que Veja (qui détient le plus grand nombre de parutions), Isto é et également un article dans lequel le « MST » a fait la couverture du TIME du 19 avril 1998 avec comme titre « Brazil’s landless rebels ». Enfin nous avons eu recours à des images de journaux télévisés issues de chaînes de télévision telles que Globo, SBT, Bandeirantes, Manchetes, Cultura/SP et CNN lors de la Marche du mouvement des « sans-terre » à Brasília en 1997.

1996 – LE MOUVEMENT SOCIAL, LE PUBLIC ET LA CONCURRENCE DES MEDIAS.

Le Mouvement des « sans-terre » surgit en 1994 et tout au long de son existence il s’est heurté à plusieurs problèmes : outre la police qu’il a dû affronter dans plusieurs conflits liés à la conquête de la terre, il a dû faire face aux promesses gouvernementales non tenues et au « silence » des médias. Cependant, après des années d’organisation sociale, le MST n’a jamais été aussi connu et médiatisé comme après les événements d’Eldorado de Carajas en 1996, et cela non seulement auprès de la population brésilienne mais aussi à l’étranger. Comment peut-on alors expliquer cette répercussion du « MST » après les événements d’Eldorado de Carajas ?
L’un des facteurs présenté au cours de cette étude vise à expliquer le phénomène de « popularisation » du mouvement qui serait justement le résultat de la concurrence des véhicules de communication dont l’objectif serait la construction de la « meilleur information » pour le public. Comme on le sait bien, les événements d’Eldorado dos Carajas ont eu été intensément couverts par les médias. Dans un premier temps, cette couverture a été télévisuelle et peu après le massacre, les images du conflit entre les travailleurs « sans-terre » et la police ont été diffusées partout dans le pays. C’est justement par ce premier contact entre le fait « imagétique » et la reproduction de ces images qu’il a été possible, en moins de 48 heures, de les diffuser au Japon, via les agences multimédias. Ainsi, peu de temps après l’événement, il s’est créé un réseau de communication qui a permis de diffuser les images dans tout le pays, et voire même à l’étranger, créant de cette façon une concurrence entre les médias (journaux, magazines, radio etc.).
Le journaliste américain Lincoln Steffens (1958) nous donne, dans le chapitre de son autobiographie intitulé « I make a crime wave » un exemple de la concurrence entre les moyens de communication. Il raconte que lors qu’il travaillait pour un journal New Yorkais, Evenning Post, il a observé que beaucoup d’événements arrivés au sein même des commissariats de police de la ville ne figuraient pas dans les journaux. Mais dès que l’une de ces histoires a concerné une famille notable, Lincoln a décidé de la publier. Le résultat fut le suivant : le tirage du journal a été épuisé, incitant la concurrence entre les journaux de la ville de New York à la publication de nouvelles policières. Cette période fut plus connue sous le nom de « crime wave », en effet les articles publiés sur la criminalité dans les journaux ont été plus nombreux. Le public a dès lors considéré la criminalité comme un thème important, mais sans pour autant que l’on constate une augmentation statistique du nombre de crimes. Ceci nous montre que le lecteur était désireux d’acheter ce type de nouvelle en imposant de cette façon son agenda aux médias et en forçant par la même occasion les autorités à discuter de ce problème.
Tout d’abord, nous constatons quelques données intéressantes sur les processus de concurrence des médias, par rapport au mouvement des « sans-terre » avant les événements d’Eldorado dos Carajas (Avril 1996) et après ces événements. Par exemple, parmi les articles publiés dans le magazine Veja, le principal news magazine brésilien, pendant toute l’année 1993, un seul article spécifique sur le mouvement des « sans-terre » a été publié. En 1994 il a publié deux articles, en 1995 trois articles. Toutefois, après les événements d’Eldorado dos Carajas il est possible de noter une croissance significative dans le nombre d’articles publiés sur le mouvement des « sans-terre ». En janvier 1996 le magazine a publié un article avec le titre  » L’ennemi numéro 1 des barbelés », en faisant référence à l’un des membres du « M.S.T. » M. José RAINHA. Le mouvement fait la couverture du magazine en avril 1996 avec le titre  » Eldorado dos Carajas, Brésil, le 17 avril 1996. Du sang à Eldorado ». Dans cette même année 1996 le magazine publie six articles sur le mouvement des « sans-terre ». En 1997, de janvier à avril, Veja publie trois articles sur le mouvement, le premier en janvier et les deux suivants en avril, ces derniers en faisant également la couverture. Ainsi, le magazine a publié en 1993 un article, en 1994, doix articles, en 1995, trois articles, en 1996, six articles, dont une couverture et, en 1997, de janvier à avril, trois articles, dont celui du 16 avril faisant la couverture avec le titre « La marche des radicaux », et dans la semaine suivante, le 23 avril, un deuxième article faisant la couverture du magazine avec le titre « Ils y sont arrivés, que faire maintenant ? « . Ces deux derniers articles font référence à la marche des « sans-terre » à Brasilia (1997), en protestation contre le massacre d’Eldorado dos Carajas. Il est important de souligner qu’avant les événements d’Eldorado dos Carajas, les cahiers dans lesquels le magazine publiait ses articles sur le mouvement des « sans-terre » étaient fort variés : Sociedade (société), Agricultura (agriculture), Especial (Spécial), Geral (général). Après les événements d’Eldorado dos Carajas le magazine commence à aborder le sujet dans une nouvelle catégorie, en ouvrant dans cette perspective une nouvelle rubrique, reforma agrária « la réforme agraire ». Dès lors, les reportages qui concernent le mouvement sont désormais publiés dans ce bloc.

Ces deux données, à savoir, le nombre d’articles publiés de 1993 à 1997 et la création d’un nouveau cahier  » Réforme Agraire », démontrent clairement que le mouvement des « sans-terre » acquiert, pour le magazine Veja, plus « d’importance » après le massacre de Carajas. Bien que la distorsion agraire brésilienne et les conflits agraires soient anciens dans l’histoire du Brésil et que ce dernier soit encore le seul pays au monde à avoir une structure agraire, en termes de partage de terres, identique à celle qu’il avait déjà dans la période coloniale, la grande presse brésilienne, au cours de l’histoire du mouvement des « sans-terre », a toujours abordé le problème de façon ambiguë et avec un certain dédain. Mais, suite à la concurrence entre les moyens de communication et d’autres facteurs (questions politiques, économiques, les relations média/ gouvernement/ public vers les événements d’Eldorado dos Carajas), les médias ont amplifié le mouvement par rapport à l’opinion publique à travers leurs réseaux de communication qui jusqu’alors n’existaient pas.
Qu’est-ce qui a déclenché cette concurrence entre les médias brésiliens par rapport au « M.S.T. » ? Dans un premier temps cela est dû sans aucun doute à l’organisation et à l’articulation du mouvement. Pourtant, le massacre d’Eldorado dos Carajas a eu de l’effet sur l’opinion publique et aussi sur la concurrence entre les médias. Puis l’opinion publique a été intéressée par l’achat des informations sur le massacre. L’une des causes favorisant cette concurrence est que, le 8 avril 1996 un groupe de 1500 sans-terre ont campé dans la ferme « Macaxeira », dans le nord du pays, et ont décidé de quitter le site pour se rassembler dans une marche de protestation vers Belém, afin de faire pression sur le gouvernement de l’État pour la régularisation des terres occupées. Le groupe, dans lequel il y avait des femmes et des enfants, a décidé, après une longue marche de 60 Km, de camper à proximité de la principale autoroute de l’État du Pará, à Eldorado de Carajas, suite à la fatigue des manifestants et en vue de reprendre une nouvelle et longue marche de 650 Km à faire. Les leaders du mouvement décident alors de bloquer l’autoroute dans le but de faire pression sur le gouvernement et afin que celui-ci leur offre des cars pouvant conduire les manifestants jusqu’à Bélem. Ce jour-là, une journaliste de la chaîne de télévision SBT et un cameraman s’y sont rendus pour en faire la couverture. Le gouvernement fait savoir aux manifestants qu’il n’y aurait pas de cars et, devant l’impasse, la presse reste sur place. Le gouvernement envoie donc des troupes armées de Police Militaire. Peu de temps après, le caméraman, M. ARAUJO, a pu filmer le conflit entre les travailleurs ruraux portant des bâtons et des pierres contre une police qui, en riposte, tiraient sur eux des coups de mitraillettes et de revolvers. 19 sans-terre ont été tués sur le coup et plusieurs autres, blessés. Nous pensons donc que ce qui a favorisé cette concurrence entre les médias brésiliens par rapport à ce mouvement c’est le fait que des milliers de personnes aient regardé les scènes de violence dans leurs foyers. Les images télévisuelles du massacre ont déclenché une réelle concurrence entre les médias.
Cependant, un des points soulignés dans notre étude est celui de l’Opinion Publique qui a commencé à s’intéresser aux conflits de la terre dans le pays, à partir d’un mouvement social qui était déjà organisé – les « sans-terre », forçant de cette façon les médias à répertorier dans leurs journaux la question de la réforme agraire. Ainsi, Armand et Michele Mattelart remarquent que « La réception et l’individu-consommateur occupent une place centrale dans la conception neo-libérale de la société. Il ne s’agit pas de n’importe quel consommateur, mais d’un consommateur dit souverain dans ses choix, sur un marché dit libre ». (1995 : 88).
En ce sens, on peut comprendre l’intérêt croissant du magazine Veja et des autres médias à partir des événements d’Eldorado dos Carajas. En effet les analyses faites par le magazine font preuve, à plusieurs reprises, d’une forte ambiguïté par rapport au mouvement et d’autre part les médias au Brésil ont toujours été attachés au discours des propriétaires terriens et du gouvernement.
En 1993 Veja a pris position contre les méthodes d’action du mouvement, en qualifiant les leaders de chrétiens, de communistes dans un article sur le MST. Le magazine prétendait que  » les sans-terre contrôlaient déjà un Rio de Janeiro et demi ». Ce faisant, le magazine voulait faire comprendre que les sans-terre avaient pour but de faire tomber le pouvoir établi aux moyens d’une lutte armée car, comme le soulignait le magazine » en dehors du Brésil, le point de débarquement des sans-terre est le Cuba de Fidel Castro » . Deux ans après cet article, le magazine se montre favorable à la politique du gouvernement de Fernando Henrique Cardoso, dans un article publié dans la rubrique « Agriculture » avec le titre « Ambitieux et rapide » : au rythme actuel, le programme agraire de FHC atteindra le but d’installer 100 000 familles avant la fin de son gouvernement  » et le reportage cherche à renforcer cette thèse sur l’argumentation suivante :  » Jusqu’à maintenant, Le Président FHC a fait exproprier 138 fermes, près d’un million d’hectares, afin d’installer 18 571 familles  » . En suivant notre analyse du magazine Veja, on a aussi remarqué qu’avant 1996, dans la quasi-totalité de ses articles sur le mouvement des « sans-terre », les dénominations utilisées sont : « communistes », « bêche », « église », « terre », « conflit », parmi d’autres. En se servant des méthodes de lexicologie employées par les linguistes on observe que ces dénominations sont suggérées avec un fort réflexe culturel.
Cependant, l’année suivante, après le massacre de Carajas, le magazine, dans son nouveau cahier  » Réforme Agraire », qualifie Fernando Henrique Cardoso, ainsi que son Ministre des Communications de  » riches propriétaires ruraux » et ajoute, dans l’article, que « l’armée se serait mobilisée avec 2000 hommes afin de protéger les terres du Président, la ferme « Corrego da Ponte », qui compte 900 hectares, où le Président et son ministre font élever du bétail, cultivent du maïs et du soja, et que pour autant, ils sont théoriquement sous la menace des invasions par le MST » .
Les photographies choisies dans ces deux reportages sont aussi des données intéressantes. Dans l’article « Ambitieux et rapide », le magazine choisit une photographie de paysans qui travaillent aux champs en lui donnant une notion de productivité et de labour. En revanche, dans l’article « Guerre à la maison », dans lequel le président est vu comme un riche propriétaire terrien, l’image utilisée est celle du président qui monte à cheval dans une grande propriété rurale sans aucune plantation. Cette photographie permet plusieurs interprétations, parmi lesquelles celle d’un gouvernement non soucieux de la réforme agraire. Il est donc possible de remarquer que l’opinion du magazine à propos du mouvement des sans terre est commerciale au sens du marché « mass média » et ambiguë, car, en moins de trois ans, un magazine qui décrivait les sans-terre comme les  » derniers extrémistes », sous le commandement des  » chefs chrétiens-communistes » et qui disait que  » l’unanimité de leurs dirigeants est à chercher dans le plateau du PT (Parti de Travailleurs, considéré de gauche) de M. Luis Inacio da Silva – LULA », produit ensuite des articles tels que  » ces braves gens brésiliennes », ou  » exécutés, torturés, humiliés ».
Il n’est toutefois pas possible d’affirmer que le positionnement idéologique du magazine ait changé à partir du massacre d’Eldorado dos Carajas et que le magazine soit favorable au MST car, comme on peut le noter dans l’article « la marche des radicaux », dans lequel pour la première fois Veja cherche à faire une analyse historico-sociale de la question agraire brésilienne, afin de mieux expliquer le phénomène social « MST », il décrit les sans-terre comme « des représentants d’un Brésil archaïque… les sans-terre envahissent des propriétés , enfreignent la loi et affrontent la police… cependant , ces manifestants du retard sont super populaires » .
Il est de pratique courante, dans la sociologie de l’information, d’attribuer à la presse certaines fonctions : information, contre-pouvoir, diffusion d’idéologie, mais comme l’indique Hons (1985)  » l’histoire doit pourtant s’interroger sur le sens de ces fonctions supposées ». En ce sens, la notion « d’idéologie dominante » employée par Althusser (1970) met en évidence le rôle des moyens de communication dans la reproduction d’un système de valeurs destiné à masquer les antagonismes sociaux et à justifier la perpétuation du système. Il faut également souligner que, du côté du récepteur-auditeur, lecteur ou spectateur, il existe aussi plusieurs facteurs de « brouillage » de la communication. Celui qui reçoit une information n’est pas un réceptacle passif qui se contenterait d’enregistrer et de digérer des informations reçues. Le destinataire est un sujet qui analyse, filtre, décode et interprète.
L’organisation sociale constitue une des hypothèses que nous désignons comme un des instruments « d’imposition » des thèmes qui vont être abordés par les journaux, c’est-à-dire que l’imposition des thèmes qui vont être discutés par l’opinion publique n’a pas seulement lieu de manière unilatérale du point de vue de ceux qui contrôlent les médias. Pour cela, nous utiliserons la déposition d’un des leaders du mouvement des « sans-terre », M. PEREIRA, qui était présent lors des événements d’Eldorado :
« Tout au long de notre marche de 60km à travers les autoroutes de la région, plusieurs personnes ont pris connaissance de notre cause, malgré le silence de la presse sur notre protestation (…) Lorsque nous sommes arrivés dans la région d’Eldorado Dos Carajás, nous avons décidé de bloquer l’autoroute PA-150, pour faire pression sur les médias, et notamment sur la télévision, afin qu’ils rendent compte dans leurs journaux de nos protestations(…) Peu de temps après un reporter suivi d’un caméraman d’une chaîne de télévision se sont présentés »(PEREIRA, déposition en 24/6/1996) .
Ce que nous pouvons observer c’est que le silence initial des médias en relation avec cette protestation démontre que ce thème n’aurait pas dû être discuté par la société. Mais, au final, la presse a été obligée de lui donner une place au sein de ses journaux, en effet le public voulait connaître les motifs pour lesquels la route PA-150 était réellement interdite. Ce qui nous a mène à suggérer que la fonction de la presse n’est autre que de vendre l’information au « consommateur-récepteur ».
Voyons une autre déposition, celle du caméraman, M. ARAÚJO, à propos de la seule image existante sur le conflit entre travailleurs ruraux et les policiers à Eldorado Dos Carajás :
« Nous avions pris connaissance de la marche des manifestants à travers la région, mais ce n’est qu’à partir de l’interdiction de circuler sur l’autoroute PA-150 et suite à un grand nombre d’appels téléphoniques provenant du public que le responsable de la télévision a pris la décision de nous envoyer sur place (…) Nous avions pour objectif de produire un reportage qui montrerait l’inadéquation de la manifestation, en effet le propriétaire de la télévision avait des relations parmi les grands propriétaires terriens de la région mais aussi avec le gouvernement de l’état (…) J’ai filmé les images du conflit par hasard, et puis moi aussi je courrais un risque pour ma vie (…) J’entendais les coups de mitraillettes de la police et des personnes qui criaient (…) ce n’est qu’une fois arrivé au bureau, quelques heures après ces événements que j’ai réalisé que j’avais filmé les scènes du conflit.(…) Avant même que nous n’arrivions au bâtiment de la chaîne SBT, des représentants des droits de l’homme, des leaders du mouvement et le public en général étaient déjà en train de téléphoner pour que soient diffusées les images du conflit dans le journal du soir (…) Le journaliste responsable du journal du soir à fait un montage des images avec l’intention de montrer que le conflit était inévitable et pour ainsi justifier la mort des 19 travailleurs ruraux tués par la police (…) Après que les images aient été montrées dans le journal j’ai reçu des offres pour vendre les images à des Agences de Presse ». (ARAÚJO, déposition en 26/6/1996).
Cette déposition est importante pour comprendre la façon dont les moyens de communication analysent ou ignorent un mouvement social donné en accord avec certaines stratégies « politico-mercantiles » (« ce n’est qu’à partir de l’interdiction de circuler sur l’autoroute PA-150 et suite à un grand nombre d’appels téléphoniques provenant du public que le responsable de la télévision a pris la décision de nous envoyer sur place ») et tout en éveillant la concurrence « industrielle » entre les journaux, les télévisions, les magazines etc. D’autre part, on comprend la façon dont le public et les mouvements sociaux orientent implicitement l’ordre du jour – Agenda setting Mc Combs (1981) et Spirale du silence Noelle-Neuman(1974)- des médias.
Notons une certaine tendance générale à considérer les médias comme le seul instrument d’informations de l’opinion publique qui déconsidèrent les mouvements sociaux et les organisations humanitaires comme des pôles d’information et de dénonciation. Le mouvement des « sans-terre », à travers son histoire et malgré le silence des médias brésiliens, est devenu célèbre sur le plan national et international, recevant ainsi différentes récompenses d’organisations humanitaires telles qu’un don de l’Unicef, pour un projet d’éducation mis en œuvre pour les fils de paysans ; un don des droits de l’homme en Belgique ; le prix Nobel alternatif de la Fondation « The Right Livelihood Awards » du parlement de Suède ; un prix international d’innovation technologique octroyé par l’Association des Ingénieurs de la Catalogne pour le projet de l’industrie de séchage de fruits à base d’énergie solaire.
Le réseau d’information et de divulgation du mouvement compte également l’appui de comités internationaux (Italie, France, Espagne, Belgique, Hollande et Canada) formés par des chercheurs qui étudient l’Amérique Latine et par des ONG qui ont une action dans les causes mondiales telles que le combat contre la pauvreté, la faim dans le monde, les inégalités sociales etc. Ceci vient donc renforcer l’hypothèse que les médias ne sont pas le seul espace public de discussion du MST.
Plusieurs chercheurs dans le domaine de la communication parlent des médias, dans ce début de siècle, comme étant de « nouveaux médias ». Les anciens médias seraient ceux qui existaient dans les années 1970 et se résumaient à la presse, la radio et la télévision. Les nouveaux médias incluent les ordinateurs multimédias, Cd-rom, appareils de fac-similé, livres électroniques, vidéo textes, satellites de transmission, etc. D’une manière générale, les médias sont considérés et traités par la société comme un espace de loisirs.
Ce nouveau mode de production de l`information, selon Mance, “est capable de promouvoir des symbioses, en homogénéisant les processus d’information, communication et interprétation par lesquels l’opinion publique assimile les informations, les interprète et produit de nouveaux signaux, en émettant de nouvelles informations, qui ainsi, atteignent d’autres subjectivités, gérant de nouvelles interprétations et provoquant la génération de nouveaux signes en un processus semi-optique continu qui dépasse toutes les relations de pouvoir dans lesquelles les individus sont enveloppés, que ce soit la micro-politique ou la macro-politique (1998:94).
Nous vivons à une époque où les frontières entre le local, national et l’international se confondent rapidement. L’action d’un mouvement social, pourrait être connue par le monde entier au travers de l’Internet ou par une information comme par exemple la chaîne de télévision américaine CNN.
Les milieux de la communication formatent la culture, créent des langages et des croyances ; valeur et code sont créés ou transformés. Barthes (1973) et Baudrillard (1985) ont affirmé que toutes les formes de communication sont basées sur la production et la consommation de signes qui cherchent à lier la réalité à la représentation symbolique que nous faisons de celle-ci. Dans les années 1990 le scénario s’est modifié, et apparait la réalité virtuelle.
Dans ce scénario, avoir accès aux moyens de communication paraît être un des points centraux dans les agendas des stratégies politiques des mouvements sociaux. Ainsi, les mouvements sociaux aux moments spécifiques de lutte arrivent aussi à vaincre le blocage imposé par les stratégies politiques de marché de contrôle de l’information des médias et réussissent à marquer leurs thèmes dans l’ordre du jour, rendent caduque, de cette manière, la théorie “d’agenda setting”.
Actuellement, les mouvements et groupes organisés essayent de créer leur propre média, que ce soit pour divulguer leurs informations ou idées, ou simplement pour créer une chaîne d’information parallèle. Comme exemple de ce phénomène, nous pouvons citer les Zapatistes dans le mouvement de Chiapas, au Mexique, en particulier entre 1995-97, en communiquant avec le monde via Internet ; les Indiens Brésiliens des tribus Xavantes et Waiãpi qui ont créé leur propre vidéo-maker, avec l’aide de quelques ONG (Organisations Non Gouvernementales) ; le mouvement des Túpac-Amaru, au Pérou, en 1996-1997, quand il y a eu l’enlèvement dans la maison d’un ambassadeur, dans une action spectaculaire retransmise par les médias jusqu’à sa fin tragique ; ou encore les mouvements des Sans Terres au Brésil, l’évènement d’Eldorado dos Carajás et la marche des 100 mille, en sachant que ce mouvement est, aujourd’hui, sur plusieurs sites d’information sur Internet . Pour résumer, les luttes sociales sont entrées dans l’espace de la réalité virtuelle et cela donne de la puissance et de la force à leur action puisque ces mouvements commencent à agir sur des chaînes qui dépassent les frontières locales et nationales.
Internet représente, pour certains groupes sociaux, la technologie et le pouvoir de divulguer et socialiser des informations. Ce pouvoir peut être utilisé aussi bien par des groupes progressistes ou conservateurs, pour démocratiser et créer des structures de résistance contre l’hégémonie dominante ou développer des valeurs et des pratiques démocratiques, politiques, publiques et communautaires de communication ; en pouvant aussi servir ou modifier des faits et des informations. Il est important d’observer, qu’il n’y a presque « aucun » contrôle sur les informations qui croisent les frontières nationales en raison du processus de globalisation de la communication.

Les Universités aussi constituent un autre champ de divulgation du mouvement et des problèmes agraires brésiliens. Plusieurs thèses de doctorat en relation avec ce thème ont été présentées ces dernières années dans les Universités européennes et notamment à l’Université de Paris. Tous les ans le mouvement des « sans-terre » reçoit dans ces campements des chercheurs venus de différentes Universités étrangères et brésiliennes. Le mouvement commence à accumuler une ample bibliographie en portugais, en italien, en anglais, en espagnol, en allemand et en français.
C’est à partir de la propre organisation du mouvement et du réseau de communication créé par les forum d’appui au MST que la presse internationale à commencé à introduire ce sujet au sein de son « agenda ». La couverture de la revue mondiale de type news magazine, le Time du 19 avril 1998 portait la manchette suivante : « The radical mouvement Sem Terras uses the tools of capitalism to confront Cardoso Government » (Le mouvement radical des « sans terre » utilise les armes du capitalisme pour se confronter au gouvernement Cardoso). L’article composé de cinq pages évoque la production agricole du mouvement sur le marché de consommation, le succès des coopératives agricoles et le marketing qui selon le Time, conquiert la sympathie du monde entier et des grandes organisations humanitaires internationales. Les journaux El Pais, El Clarin, O Expresso, Le Monde Diplomatique parmi d’autres ont déjà publié plusieurs reportages sur les « sans terre » brésiliens bien au-delà des réseaux de télévision tels que CNN qui a montré les événements d’Eldorado Dos Carajás et la Marche de Brasília.
Ainsi, Balle remarque que « L’influence des médias est médiate plutôt qu’immédiate, indirecte et non directe, limitée et non illimitée : elle emprunte la voie de relais, mieux qualifiés pour filtrer tout ce qui provient des mass media. Ceux-ci n’agissent pas seuls, ni directement : ils composent, toujours et partout, avec le bouche à oreille. » (2000 :106).
En suivant notre analyse, il est d’autant plus vrai que communiquer n’est pas le simple fait de transmettre une information comme le fait remarquer le psychosociologue Alex Mucchielli (1995), il y a cinq « enjeux de communication » : l’enjeu informatif, l’enjeu de positionnement consistant à définir son identité par rapport à autrui ; l’enjeu de mobilisation visant à influencer autrui ; l’enjeu relationnel et l’enjeu normatif centré sur la régulation des relations elles-mêmes. Selon, Lucien Sfez, quelquefois les médias font que « la réalité objective n’est plus poussée comme un objet. Elle cède devant la réalité que l’on nomme de second ordre et qui est construite relativement à nos positions. L’observateur a une influence déterminante sur ce qu’il prétend observer » (1990 : 87). Cela est d’autant plus justifié qu’ils ne peuvent pas échapper à l’attente de leurs publics, à un mécanisme d’adéquation vis-à-vis de leurs lecteurs. Comme des entreprises, ils doivent obtenir des annonces publicitaires, mais ils doivent également conserver leurs lecteurs. Ainsi, le contenu des périodiques résulte d’une interaction entre leurs intérêts économiques d’entreprises et les caractéristiques de leurs publics.
En ce qui concerne l’hypothèse sur le fait que les événements d’Eldorado Dos Carajás ont éveillé l’intérêt commercial des médias brésiliens, prenons comme exemple l’analyse des journaux A Folha de São Paulo (FSP), Gazeta Mercantil (GM), O Globo (OG) et Jornal do Brasil (JB). Ces journaux ont réalisé plusieurs reportages sur le sujet au mois d’avril 1996 démontrant ainsi une augmentation significative du nombre d’articles publiés sur le MST.
L’aspect le plus important parmi les articles étudiés est l’impact que les événements d’Eldorado Dos Carajás ont eu sur la société brésilienne mais également l’impact commercial sur l « agenda » de la presse, et dont la conséquence a été la concurrence entre les réseaux de communication dans le pays et la recherche de plus de détails sur le conflit entre les policiers et les « sans terre », ce que nous pouvons vérifier dans les manchettes suivantes : JB. 19/4/96.« Exécutions de sang froid » ; FSP. 22/4/96. « Une petite fille témoin » ; JB. 22/496. « Des morts dans la régions du Pará » ; JB. 23/4/96. « Un évêque qui pleure en racontant le massacre » ; FSP. 19/4/96. « Un médecin dénonce une exécution » ;FSP. 19/4/96. « Comment s’est passé le massacre » ; FSP. 19/4/96. « Des morts déformés » ; JB.19/4/96. « Deux heures en enfer » ; FSP. 19/4/96. « L’image montre une mitraillette » ; FSP. 19/4/96. « Un policier initie la fusillade » ; OG. 19/4/96. « La tragédie est diffusée en 41 langues ».
En donnant suite à l’expectative de la demande commerciale du public à travers plus d’informations, les journaux cherchent à établir « les décisions du gouvernement » en rapport avec l’action de la police dans le massacre.GM. 19/4/96. « Le nombre de morts mobilise le Gouvernement » ; FSP. 19/4/96. « La position de l’INCRA » ; OG. 19/4/96. « Le Président FHC condamne l’action de la police » ; GM. 19/4/96. « Andrade Vieira tombe » ; OG. 19/4/96. « Pertence proteste » ; FSP. 19/4/96. « Le Gouverneur accuse le Colonel » ; FSP. 19/4/96. « Le Secrétaire accuse un militaire » ; GM. 19/4/96 « Le Congrès veut du changement dans la Loi ».
Un autre aspect de cette étude démontre que de manière générale les journaux ont dès lors commencé à analyser les « scénarios de la crise » de la lutte pour la terre au Brésil, avec l’intention de vendre plus d’information : JB. 19/4/96. « Deux décennies et 32 massacres » ; JB. 19/4/96. « Un plan de la lutte pour la terre » ; JB. 19/4/96. « Une tragédie annoncée » ; OG. 19/4/96. « Un conflit qui marque l’histoire des populations » ; OG. 19/4/96. « Inquiétude unanime sur les tensions dans les campagnes » ; OG. 19/4/96. « Un « sans terre » porte le drapeau de l’organisation » ; OG. 19/4/96. « Le bilan de l’INCRA » ; OG. 19/4/96. « La réforme agraire, le problème du siècle » ; FSP. 19/4/96. « Des villes occupées par les « sans terre » ; FSP. 19/4/96. « Chronologie de l’invasion ».
L’augmentation du nombre d’articles publiés à cette époque nous mène à soulever le fait que ces événements ont eu une répercussion considérable sur l’opinion publique et les organisations humanitaires internationales. En ce sens les journaux ont commencé à interviewer des intellectuels et des représentants d’ONG sur la question agraire brésilienne : JB. 19/4/96. « Indiens et sans terre : les oubliés » ; JB. 19/4/96. « Un problème de tous les états » ; JB. 19/4/96. « Corumbiara n’a pas été suffisant » ; FSP. 19/4/96. « Les Anciens et les modernes » ; FSP. 19/4/96. « Massacres et Massacreurs » ; FSP. 19/4/96. « Tragédie honteuse » ; GM. 19/4/96. « Des obstacles à l’objectif de Cardoso ».
La mobilisation sociale du MST et la répercussion du conflit imposent aux médias le devoir de rechercher les informations sur les actions politiques du gouvernement en proie à la réforme agraire.JB. 19/4/96. « Le Congrès craint un réaction extérieure » ; JB. 19/4/96. « CNBB exige une épuration » ; GM. 19/4/96. « CNBB accuse le Gouvernement » ; OG. 22/4/96. « Local du conflit désapproprié » ; FSP. 22/4/96. « Réaction des ‘ sans terre ‘ » ; FSP. 22/4/96. « Bahia proteste contre FHC » ; FSP. 22/4/96. « Le massacre bouscule les projets » ; FSP. 23/4/96. « FH assume une parti de la faute » ; FSP. 23/4/96. « La réforme agraire peut bouleverser le ministère » ; FSP. 23/4/96. « Les Etats veulent s’en charger » ; FSP. 23/4/96. « Situation explosive ». ; OG. 23/4/96. « Changement de l’axe ».
Ainsi, l’étude de ces articles, juste après le massacre, nous a conduit à constater comment de manière générale ces opinions sont le réflexe d’un ensemble d’informations extraites de plusieurs médias de communication de masse. Ceci nous mène à croire que dans ce cas précis, la société et le propre mouvement social, ont influencé l’ordre dont les thèmes auraient dû être traités par les médias, c’est-à-dire que dans un premier temps ce qui intéressait le public était de connaître les détails sur le conflit (combien de morts, pourquoi la police a tiré sur des paysans etc.). Puis en donnant suite aux découvertes du public, des organisations et des leaders du mouvement, les journaux ont alors commencé à répertorier et à analyser les thèmes en accord avec la nécessité de l’information de ces segments. Mais la communication est aussi perverse, car elle prend également la forme d’une société médiatique envahissante et manipulatrice. Envahissante lorsqu’elle s’introduit dans les espaces les plus privés de nos vies. Manipulatrice parfois avec certaines formes de communication politique publicitaire.
En ce sens, notre hypothèse admet que les médias ont la capacité de répertorier des thèmes qui vont être discutés par l’ensemble de la société, mais nous comprenons que le public et les mouvements sociaux auraient également la possibilité à des moments donnés tel que le démontre le sujet de notre analyse, d’interférer dans l’ordre du jour des journaux.

L’organisation sociale dans la fonction d’ « agenda » : la presse et la Marche de 1997.
Les leaders du Mouvement des Sans Terre (MST) ont organisé une grande manifestation connue comme la marche des 100 mille, à l’occasion du premier anniversaire du massacre d’Eldorado dos Carajás. L’objectif de cette manifestation était de continuer à obliger la presse nationale à introduire dans son agenda les causes du mouvement -pour sensibiliser l’opinion publique- et faire pression sur le gouvernement pour qu’il réalise la réforme agraire.
Pendant le mois d’avril 1997, le MST a été à la une 13 fois de l’unique journal brésilien de circulation nationale, le journal Folha de São Paulo. Le mouvement a occupé la première page de ce journal tous les jours et a été à la une pendant à peu pres 15 jours. Les titres des journaux et téléjournaux ont été envahis par les nouvelles des « sans terre ». Les deux principales revues hebdomadaires « Veja » et « Isto é » ont réalisé de grands reportages avec les titres suivant : « la marche des radicaux » (Veja, 16/04/97), « ils sont arrivés là bas » (Veja, 23/04/97) et « le gouvernement assiégé/intimidé » (Isto é, 23/04/97).
Les principaux thèmes des manchettes du journal Folha de São Paulo portaient sur : l’organisation de la marche (comment les participants se sont habillés, leur comportement, les règles de conduite, l’âge des manifestants etc.), les déclarations des dirigeants du MST et d’hommes politiques sur l’événement ; les systèmes de sécurité à Brasilia pour recevoir la marche, les conflits verbaux entre les manifestants et les autorités.
La répercussion de cette manifestation sociale a atteint la presse internationale, la CNN a consacré 4 minutes à la marche pour « la Réforme Agraire, Emploi et Justice Sociale ». Cette marche a été initiée le 17 février 1997, a parcouru le pays pendant deux mois et s’est terminée à Brasilia le 17 avril. Elle a été organisée depuis plusieurs lieux du Brésil pour aboutir à la capitale du pays (Brasilia). Le principal objectif de la manifestation était la revendication d’une réforme agraire avec justice et égalité sociale. Cette manifestation a été la plus grande, la plus importante et la plus significative dans l’ensemble des luttes sociales du pays après les grandes concentrations organisées à l’occasion de la destitution de l’ex Président M. Collor de MELLO en 1982. Les espaces publics utilisés par les manifestations ont été les grandes routes et la capitale fédérale, Brasilia. Le pays entier a accompagné l’événement grâce à la couverture faite par la presse nationale. Les spectateurs ont pu suivre l’arrivée des sans terres à Brasilia après la rencontre de toutes les « colonnes » (appellation donnée par le MST lui-même.) venues de plusieurs parties du pays et l’acte public qui a mis fin à la marche, le 17/04/1997, réalisé au coeur de la capitale fédérale.
Le choix de ces lieux publics de visibilité politique nationale et symboliques avait pour objectif d’obliger la presse à donner une importance aux revendications du MST. La participation des citoyens à la marche et à des actes de protestations a été soigneusement planifiée, depuis la manière dont ils devaient marcher sur les routes en colonnes, les comportements tolérés, jusqu’aux habits qu’ils devaient mettre et tout ce qu’ils devaient emporter.
Le mouvement a concentré ses militants de telle sorte que les drapeaux et les casquettes ont formé un tout compact se transformant en un instrument basique de chorégraphie que les « colonnes formaient ». C’est-á-dire que, la stratégie de mobilisation a considéré comme un des points clés les images destinées à être captées par les médias, principalement, les chaînes de télévision qui transmettraient à tout le pays et, quelques fois, à l’extérieur. Cette image créerait aussi une identité pleine de sens. Il suffit d’utiliser une casquette du « MST » pour être considéré un sans terre.
Pross fait une remarque importante à ce sujet, « il est vrai que les structures de communication déterminent les portées et les temps de transmission. Elles représentent la vie qui produit l’éclat coloré reflété. Mais cet éclat reflété ne représente pas la vie, proprement dite. Il est important de distinguer l’image de l’objet ; il est important de faire la différence entre ce que nous représentons et ce que nous percevons. Il est important de séparer avec une grande netteté les désirs de ceux qui protestent » (Pross, 1997 :15).
La marche a réuni 100 mille personnes. Ella a reçu la sympathie populaire et a été considérée par les médias comme une date historique dans la lutte pour la réforme agraire au Brésil, grâce à l’effort des participants qui ont marché à peu prés durant deux mois, avec des sandales de caoutchouc, sous des intempéries, sur toutes sortes de routes.
Ainsi la marche d’avril 1997 a eu une légitimité populaire et a obtenu le soutien de certains secteurs des médias. L’appui a été réussi car la marche a été considérée comme une revendication qui découlait d’une nécessité sociale tangible, la réforme agraire. Il est possible d’observer que la marche a reçu l’adhésion de tous les secteurs de l’opposition à son arrivée. Le défilé qui s’en est suivi et l’acte public du 17 avril, ont été interprétés par la presse et le gouvernement comme « une manifestation d’opportunistes ». Néanmoins, les sondages d’opinion publique ont enregistré l’appui populaire à la marche, de même les enquêtes réalisées par la télévision par téléphone, durant le programme de débat sur la question agraire (par exemple TV Cultura/SP).
Les chaînes de télévision nationales ont donné une si ample couverture à la marche, imposant que Santaella (1996 :42) les qualifiées de « caractère anthropophagique », car la télévision est caractérisée comme le média des médias parce qu’elle absorbe et dévore tous les autres médias et formes de culture. La chaîne de télévision « Globo » a mis en évidence la disposition du gouvernement à négocier, en présentant des images et textes qui attirent l’attention sur le caractère pacifique de l’événement, cherchant à présenter une apparence de tranquillité. La chaîne de télévision Bandeirantes a présenté, avec les faits qui se sont passés à Brasília, de nouvelles d’autres occupations dans le pays et des scènes de l’assemblée des évêques catholiques à la ville d’ Itaci. La privatisation de l’entreprise Vale do Rio Doce a été reportée aussi dans le même contexte des nouvelles de la marche. La chaîne TV Cultura a organisé des programmes de débat sur la Réforme Agraire, a interrogé des leaders et le propre Président de la République M. Fernando Henrique Cardoso.
Le dernier jour de la marche, les nouvelles des principaux journaux télévisés brésiliens ont impressionné le pays entier avec les images de la grande marche qui a envahi les avenues et places publiques de Brasilia, et ont mis en évidence le caractère pacifique et de fête du grand acte public de clôture de la marche. C’était un spectacle chorégraphique, qui jusque-là, n’avait été vu qu’en 1984 pendant le mouvement (diretas já) de lutte contre le régime militaire. La marche a été le plus grand acte de protestation qu’un gouvernement brésilien ait connu directement depuis les années 1960, parce que même les grandes assemblées et actes publics de 1978/79 ont été réalisés loin de Brasília.
L’attente et la tension sociale suscitées dans le pays avec l’arrivée de la marche a continué sous l’impulsion de la presse. La chaîne de télévision TV Manchete a prophétisé « hors du dialogue il n’y a pas de rédemption », en ajoutant qu’il y avait un fort soutien national de la foule pour tout ce qui se passerait durant la réunion le jour suivant. Et le journaliste politique a suggéré qu’il était l’heure de faire un geste vers le mouvement, que la rencontre était très importante pour le gouvernement parce que celui-ci était en baisse de popularité. Selon les sondages d’opinion publique, le « MST » a eu un succès à l’occasion de la marche et n’a pas voulu sortir de Brasília sans résultat. Tous les téléjournaux ont donné un espace aux déclarations des dirigeants du « MST ».
Mais, pourquoi tout ce scénario laisserait-il à la presse l’interprétation avec une certaine intensité de la manifestation des sans terre, alors que les médias brésiliens au long de leur histoire, ont rarement donné un espace aux manifestations populaires contraires aux intérêts des grands propriétaires terriens du pays. Dans ce sens, nous présentons quelques aspects pour la compréhension de cet intérêt.
Tout d’abord, ce fut le propre procès des organisations sociales du mouvement qui a été à l’origine de la redéfinition et du changement dans le traitement, de la part des médias et du gouvernement, de la question des sans terre. Au début, la presse, comme le gouvernement, n’a donné aucun crédit à la mobilisation de la marche en la qualifiant les participants de « très peu de personnes ». Mais à mesure que les manifestants commencent à envahir les routes de tout le pays, confluant à pied vers la capitale, la presse a fini par informer face à la croissance subite de la popularité de ce mouvement. Il est important de signaler aussi que l’un des objectifs de cette manifestation était d’obliger la presse à introduire le problème de la terre dans l’agenda des nouvelles, pour que l’opinion publique se mobilise sur la question de la réforme agraire, et au moins pendant la marche, cet objectif a été atteint. L’autre aspect est que après les événements de « Eldorado dos Carajas » l’opinion publique a commencé à s’intéresser aux conflits de la terre et la presse a commencé à faire des bénéficies avec la vente des nouvelles sur le mouvement, comme par exemple la revue « Veja » qui a atteint le tirage de 1,5 million d’exemplaires la semaine de la marche et d’Eldorado.
En plus de susciter la concurrence entre les moyens de communication (journaux, revues, TV etc.), le thème du mouvement sans terre est devenu aussi un thème d’intérêt de la presse pour des questions économiques.
Au plan interne, l’on doit considérer les pressions politiques venues en grande partie de la propre société brésilienne comme les intellectuels, étudiants, artistes, syndicalistes et autres qui ont fini par appuyer la lutte pour la réforme agraire dans l’espoir de fixer l’homme dans la campagne, de diminuer la pauvreté dans les villes, en imaginant que cela ferait diminuer la violence urbaine.
Au plan externe, la presse internationale et les études sur la réalité brésilienne renforcent le fait que ce pays est un des rares pays au monde qui n’a pas encore réalisé sa réforme agraire. L’on doit considérer aussi les dénonciations de non respect des droits de l’homme, la violation des codes d’éthiques internationales et l’impunité des crimes commis contre les sans terres, les pressions politiques des ONG internationales, parce qu’elles sont significatives pour former une opinion publique à l’extérieur. Une ONG de Belgique est arrivé à donner un prix au mouvement en 1997.
Néanmoins, après la conclusion de la marche, la presse a qualifié à nouveau le mouvement comme un acte isolé en recherche d’une tribune sur la scène politique pour s’exprimer. A ce moment, on vivait dans une conjoncture de privatisation des entreprises très importantes comme la compagnie d’exploitation minière Vale do Rio Doce, ou encore dans le domaine de la télécommunication Embratel, et il était fondamental de neutraliser n’importe quel type de contestation contre le gouvernement d’autant plus que la vente des entreprises étatiques aux groupes étrangers avait besoin d’un appui populaire.
Ainsi, une fois terminée la réunion entre les leaders du mouvement et le gouvernement le 19/04/1997, les informations sélectionnées par la presse ont conduit à mettre en évidence un discours radical de la part des représentants des sans terre contre le gouvernement dans la tentative de proposer une nouvelle représentation collective de la part de la société. Certainement, pour expliquer ce comportement, ce changement de la presse par rapport au mouvement, nous devons considérer d’autres facteurs comme les intérêts du gouvernement et les groupes économiques qui sont les clients des journaux et les promoteurs de la presse dans les propagandes publicitaires.
Dans ce sens, en mai 1997 la presse brésilienne a reçu une bagatelle calculée à plus de U$$ 1 million de dollars par jour en investissements publicitaires (Sader, 1998). Il est important aussi d’ajouter que le gouvernement est l’un des principaux investisseurs de la propagande au Brésil. Cela signifie qu’en réponse à la préoccupation du gouvernement et des groupes économiques, avec la très grande popularité des sans terre après la marche, la majorité des articles sur la réforme agraire devient contraire aux travailleurs ruraux. Les journaux ont commencé à donner une connotation négative au mouvement à partir de mai 1997, quand les leaders des sans terre ont commencé à revendiquer des changements économiques dans la politique du Président Fernando Henrique Cardoso, comme l’explique un des représentants du mouvement M.Stédile « quand nous étions considérés comme des pauvres malheureux qui voulaient de la terre, nous ne représentions pas une grande menace. Mais quand nous avons introduit un discours plus idéologique contre le néolibéralisme, les attaques se sont intensifiées » (Caros Amigos, 06/2000).
En analysant un total de 300 articles qui citent le mouvement des sans terre, dans les quatre grands journaux du pays- Folha de São Paulo (FSP), O Globo (OG), O Estado de São Paulo (ESP) et Jornal do Brasil (JB) du 20 avril au 20 août 1999, il est possible de constater qu’il existe certaines « formules » qui déterminent l’élaboration de ces articles. Dans la majorité d’entre eux, les sans terre, sont considérés comme des agresseurs, guerriers potentiels, obsédés par la prise du pouvoir, ou violents. De l’autre côté, les policiers sont représentés comme les défenseurs de l’ordre, malgré les statistiques sur la violence dans la campagne. Le gouvernement, à son tour, est considéré comme un agent de négociation, qui appuie et investit de grandes ressources dans la réforme agraire.
Un seul journal a cité les agents de la violence dans son titre le 07/06/99 c’est le journal O Estado de Sao Paulo : « Pistoleros blessent un sans terre dans un engin de PE ». Les autres titres donnent l’impression que les travailleurs sans terre sont assassinés ou blessés dans les « conflits ». En réalité ce type d’article reflète la situation d’impunité dans le milieu rural. Dans la seule année 1998, la commission des évêques de la terre a enregistré 47 cas d’assassinats, 46 tentatives d’homicides, 88 menaces de mort et 35 cas de torture contre les travailleurs ruraux. Pendant les 12 dernières années 1167 travailleurs ruraux ont été assassinés dont 86 crimes ont été jugés et 7 ont été condamnés.
Quand la presse parle d’une action quelconque du MST, après la marche de 1997, la structure des articles est habituellement différente de la réalité. Normalement le vocabulaire et la formation des titres présentent le mouvement comme violent : FSP. 29/4/99. « Les sans terre paralysent Incra à Marabá » ; ESP. 21/15/99. « Les sans terre bloquent 3 préfectures au Pontal » ; ESP. 31/5/99. « La police est maintenue en otage par des sans terre de São Paulo » ; JB. 8/6/99. « MST fait des menaces à l’antenne » ; ESP. 10/6/99. « MST pression et menace le gouvernement avec des actions » ; OG.15/6/99. « Les sans terre envahissent le siége de l’Incra á Pernambuco » ; ESP. 15/7/99. « Les sans terre pillent et brûlent une ferme historique de São Paulo » ; ESP. 15/7/99. « Des militants du MST brûlent des maisons de ferme » ; OG. 15/7/99. « Les sans terre incendient des bâtiments de ferme » ; ESP. 29/7/99. « La Préfecture d’une ville de MS est pillée. Les assiégés dans une ferme de la ville de Angélica ont cassé des meubles et fenêtres du bâtiment » ; FSP. 30/7/99. « MST menace d’envahir des terres » ; ESP. 30/7/99. « Les sans terre prennent la ville de San Alberto » ; FSP. 10/8/99. « Les sans terre envahissent huit lieux à Pernambuco » ; ESP. 12/8/99 : « UDR et MST attaquent ensemble le Trésor ».
L’autre thème exploité se réfère à l’intention supposée du MST de « prendre le pouvoir ». Ainsi la presse tente de donner une connotation politique aux actions du mouvement, et laisse de côté les questions en rapport avec la propre réforme agraire, comme les problèmes de distribution de terre, de manque d’encouragement aux petits agriculteurs, entre autres. Les titres ci-dessous illustrent cette tendance. ESP. 20/6/99. « MST montre que le but est la prise du pouvoir » ; ESP. 20/6/99. « MST prépare la stratégie pour prendre le pouvoir » ; ESP. 21/6/99. « MST veut lutter pour la terre par des questions politiques » ; ESP. 22/6/99. « MST propose vanguarda compartillée » ; FSP. 8/7/99. « La cible est le socialisme, affirme l’abécédaire du MST » .
La représentation du MST comme un mouvement dangereux s’appuie sur des rumeurs de l’infiltration de guérilleros dans le mouvement. Le problème est que ces dénonciations n’ont jamais été confirmées et le MST continue de réfuter toute possibilité d’adhérer à la lutte armée. Mais ce genre de couverture peut être utilisé comme justificatif pour intensifier la répression dans le milieu rural : La presse continue d’insister sur ce thème. ESP. 18/5/99. « La police perquisitionne à La Ligue des Travailleurs Ruraux » ; OG. 13/6/99. « Le MST enseigne des tactiques de guérilla aux sans terre » ; ESP. 21/6/99. « La Police Fédérale enquête sur l’action armée des sans terre á MG » ; ESP. 26/6/99. « La Police Fédérale mêne une investigation sur l’action du Sendero entre les sans terre » ; OG. 27/6/99. « MST nie une quelconque relation avec des groupes qui défendent la guérilla et attaque le gouvernement » ; ESP. 1/7/99. « L’infiltration du Sendero au Nord est préoccupante, affirme un militaire » ; OG. 9/7/99. « FH se réunit avec le MST et fait une alerte sur le Sendero ».
De plus, les articles sur l’action de la police font croire que son but est de pacifier le milieu rural et d’éviter la violence. ESP. 30/4/99. « La Police Fédérale a peur de débordements à Para » ; ESP. 6/5/99. « La Police Fédérale va agir à Para contre les envahisseurs de l’Incra » ; ESP. 30/6/99. « La police convoque une réunion avec les sans terre » ; FSP. 24/7/99. « Une méga opération évacue 3 fermes pacifiquement á Para ».
A la lecture de la dernière manchette ont croit que la police a évacué pacifiquement les fermes. En réalité la décision d’abandonner pacifiquement les lieux avant la police a été prise par les familles des sans terre, comme l’explique l’article lui-même : « dans les trois fermes, seulement quelques représentants attendaient la police ». L’autre partie de l’article cite un représentant de la commission des évêques de la terre affirmant : « nous n’allons pas provoquer une tragédie ». La possibilité que se déroule une tragédie était certaine comme le montre l’article : « la police a mobilisé un contingent de 300 à 400 hommes dans chaque opération. Les policiers entrent dans les fermes avec des bombes à effet moral, balles de caoutchouc et réelles ».
D’autres titres donnent l’impression que la police n’agit pas avec « l’efficience » nécessaire, comme par exemple « Un groupe du MST occupe une ferme devant la police » (ESP, 23/7/ 99), ou « MST trompe la police et occupe les lieux » (JB 35/7/99).
Un autre type commun de reportage met en évidence des conflits supposés entre le MST et les autres mouvements sociaux, comme dans les exemples suivants. JB. 24/4/99. « Contag et MST préoccupent le gouvernement : Casa Militar craint la violence dans la dispute entre les entités pour la réforme agraire » ; ESP. 10/5/99. « Les habitants de ilha à Para critiquent les sans terre » ; ESP. 1/6/99. « Les indiens et les sans terre peuvent entrer en conflit à Bahia » ; FSP. 24/7/99. « La ville envahie de São Paulo craint des pillages » ; ESP. 30/7/99. « En Anhembi demande la sortie des sans terre de la ville » ; ESP. 4/8/99. « La préfecture a décrété l’état d’urgence à Angélica : Un dirigeant déclare que la ville était en état d’insécurité á cause des sans terre » ; ESP. 5/8/99. « Les travailleurs ruraux et les sans terre entrent en conflit à PR ».
Il est important de noter que dans aucun des cas mentionnés antérieurement la situation n’a dégénéré en conflit. Ce type d’article est encore une fois une tentative de donner une image violente du MST. La couverture de l’arrivée de 1200 familles sans terre à Anhembi, a donné l’impression que la ville allait tomber en « panne », comme l’a décrit le journal FSP du 03/07/99 : « les cours sont suspendus, on manque de médicaments, il n’y a pas de médecin pour traiter les militants et la population ». D’autres articles font cas de la « crainte » des habitants. « L’occupation de la ville surprend les habitants » (ESP, 27/07/99). « Le commerce local craint des pillages » (ESP, 01/08/99). À la fin de la manifestation aucun cas de violence et de pillage n’a été enregistré de la part des sans terre.
Les articles sur la position du gouvernement par rapport à la réforme agraire, à son tour, donnent l’impression qu’il existe une forte tendance de négociation et d’investissements dans ce domaine : ESP. 3/5/99. « Le Ministre Jungmann va au Pontal parler avec le MST » ; ESP. 7/5/99. « Incra admet déjà d’augmenter le budget á Para » ; OG. 8/5/99. « Jungmann affirme qu’il prétend installer 85 mille familles cette année » ; ESP. 116/5/99. « Le point central de la nouvelle politique doit être le petit producteur » ; ESP. 9/6/99. « Jungmann aura une réunion á Pontal » ; JB. 9/6/ 99. « Le gouvernement donnera 50 milles » ; ESP. 10/6/99. « Paraná 5 mille sans terre » ; ESP. 11/6/99. « FHC annonce qu’il recevra les leaderships des mouvements » ; ESP. 12/6/99. « Le ministre promet des ressources » ; ESP. 8/7/99. « Incra a un nouveau projet pour assentamentos » ; ESP. 8/7/99. « FHC reçoit les sans terre et libere de l’argent » ; ESP. 10/7/99. « MST obtient la garantie de plus de R$ 100 millions » ; OG. 10/7/99. « Incra libère 100 millions pour les sans terre » ; JB. 10/7/99. « Le gouvernement veut élargir le dialogue » ; JB. 10/7/99. « Incra libère des ressources pour les sans terre ». ESP. 15/7/99. « Le programme va distribuer des titres de terre aux nouveaux installés » ; JB. 15/7/99. « Le gouvernement lance un nouveau programme agraire » ; JB. 27/7/99. « Le gouverneur visite les sans terre » ; ESP. 18/8/99. « Le crédit agricole aura R$ 1,75 milliard » ; ESP. 19/8/99. « L’aide aux sens- terre augmentera » ; ESP. 20/8/99. « Un nouveau système va recenser les immeubles ruraux via satellite ».
Parmi les articles étudiés, à peine trois contredisent les précédents plutôt positifs : JB. 24/4/99. « Le président ne reçois pas les sans terre » ; ESP. 30/4/99. « L’ordre du jour du MST ne sera pas accepté » ; ESP. 29/599. « Le rythme de la Réforme agraire : chute en 1999 ».
Ce dernier article cite le Ministre de la Politique Foncière, en montrant que le nombre de familles installées cette année a baissé à 86 % par rapport à la même période de 1998.
Les données de l’assistance agraire de la chambre des députés montrent qu’en 1995 les ressources destinées à la réforme agraire ont atteint R$ 1 522 millions. En 1999 ces ressources sont passées à R$ 1.391 millions et pour l’année 2000, la prévision budgétaire a été de R$ 1.357 millions. Pourtant, la réduction des investissements entre 1995 et 2000 a atteint 28 %.
Le journal Folha de São Paulo (04/07/99) a publié un article sur le non accomplissement des objectifs de la réalisation de la réforme agraire, mais le titre de l’article attribuait le problème au MST, en affirmant que « Le MST n’a pas acquis de conquêtes réelles, selon Stédile ». En réalité M. João Pedro Stédile se réfère à la diminution des ressources destinées à la réforme agraire de la part du gouvernement et au fait qu’il existe 100 mille familles sans terre, dans à peu prés 500 campements, dans tout le pays.
Parmi les 300 articles analysés, j’en ai rencontré quelques-uns qui donnent une image positive du MST. Les 8 titres ci dessous, totalisent le nombre d’articles avec connotation positive, publiés durant les six mois pendant lesquels j’ai réalisé les études Nogueira Júnior (2003), à l’exception de quelques articles dans les sections d’opinion et des lettres de lecteurs. Ce numéro est beaucoup plus petit si on le compare avec les autres articles analysés dans les autres catégories et traitant des thèmes divers comme :ESP. 17/4/99. « CNBB appui les sans terre et critique la politique foncière » ; JB. 23/4/99. « Le MST sollicite une audience avec le président » ; OG. 23/4/99. « Un lieder du MST sollicite une audience avec FHC » ; ESP. 23/5/99. « Un leader du MST a droit à terre qui produit » ; JB. 18/6/99. « MST crée une école dans un bâtiment occupé » ; ESP. 26/6/99. « CNBB sollicite que la population soit solidaire des sans terre » ; JB. 7/7/99. « Un disque montre 18 chansons du MST » ; ESP. 9/7/99. « De jeunes leaders du MST font des discours pour embellir le campement ».
Cette omission n’arrive pas par hasard. Il existe beaucoup de facteurs et de théories qui l’expliquent. L’une d’elles, basée sur les observations du professeur Noam Chomsky (1987) dans son livre Manufacturing Consent, montre que la principale fonction de la presse commerciale n’est pas de transmettre l’information à la société en général. Sa cible est les annonceurs, c’est-à-dire les grandes entreprises qui « achètent » le produit offert par la presse commerciale et la population qui possède le plus grand pouvoir d’acquisition. Malgré cela, la principale hypothèse de travail est que les mouvements sociaux, pendant quelques moments spécifiques, (comme dans le cas de Eldorado des Carajás et la marche de 1997), parviennent à rompre l’imposition médiatique de la théorie de la « spirale du silence » forçant les médias à mettre dans leur agenda les événements sociaux, démontrant ainsi, que l’agenda setting a un effet social de concurrence des industries de culture de masse.
CONCLUSION

La réflexion sur le mouvement des « sans-terre » et sa relation avec les médias – dans les événements de l’Eldorado dos Carajás (1996) et de la Marche vers Brasília (1997) – a renforcé notre hypothèse de départ : les mouvements sociaux ont la possibilité d’interférer dans l’agenda des journaux, au lieu de considérer uniquement l’influence et le pouvoir des moyens de communication afin de proposer les thèmes du débat public. On observe que les mouvements sociaux, à travers leur organisation politico-sociale, ont également réussi à créer des espaces pour afficher leurs demandes à l’ordre du jour des médias et de la société.
Sachant qu’il existe une tendance à l’homogénéisation de l’information due au monopole économique du marché des communications de masse au Brésil, le point de départ de l’analyse de ce travail a été celui de s’interroger sur « comment un mouvement qui ne bénéficiait pas de l’appui des médias nationaux a-t-il pu sensibiliser l’opinion publique ? ». En analysant cette question, nous comprenons que le mouvement des « sans-terre » n’a pas eu tendance à considérer les grands médias comme le seul instrument de l’information de l’opinion publique. En effet à partir de son organisation politique, le MST a réussi à créer des espaces de divulgation en dehors des grands médias pour que la société prenne conscience de ce même mouvement .
Selon Tarrow (1994), à l’heure actuelle, pour qu’un mouvement atteigne une telle popularité, il doit se servir des réseaux autonomes de communication qui lui donnent le support nécessaire à sa cause sociale comme les partis politiques, les syndicats, les forum de débat, les organisations humanitaires, les ONGs, les sites Internet etc. Ces structures d’appui ont joué un rôle fondamental dans la prise de connaissance du « MST » par la société. On a pu vérifier ce phénomène de communicabilité autonome à travers les différents prix que ce mouvement a reçu de la part d’organisations humanitaires internationales ; mais aussi par le biais des universités comme espaces de discussion des questions agraires brésiliennes, (plusieurs thèses de doctorat en relation avec ce thème ont été présentées ces dernières années dans les Universités Européennes, y compris l’Université de Paris.) ; avec la création de Webzine , il suffit de pianoter l’expression « sans-terre » sur les moteurs de recherches sur Internet pour qu’apparaissent des links sur le « MST » par les journaux des ONG qui agissent pour des causes mondiales dans le combat contre la pauvreté et enfin grâce aux partis politiques de gauche – en Italie, en France, en Espagne et en Amérique Latine – qui ont constamment divulgué ce mouvement. Ainsi, notre hypothèse démontre que ce réseau d’information des causes du « MST » a, dans un premier temps, porté la société à débattre du problème de la réforme agraire au Brésil et à l’extérieur, forçant ainsi les médias à répertorier ce thème dans leurs journaux une fois que « l’individu-consommateur » voulait acheter ce type de nouvelle.
Il vaut la peine de remarquer que notre hypothèse ne discrédite pas les médias qui ont la capacité de répertorier les thèmes qui sont discutés par l’ensemble de la société, mais nous comprenons aussi que le public et les mouvements sociaux ont aussi la possibilité d’interférer dans l’ordre du jour des journaux.
En ce sens, un autre aspect mis en relief dans cette étude, est celui montrant que le « MST » vise à créer des stratégies politiques pour s’intégrer au sein des grands réseaux de communication. A ce propos Tarrow (1994) souligne l’importance des médias, surtout de la télévision, la caractérisant comme un espace qui est conquis peu à peu par les mouvements sociaux dans l’optique de rendre plus puissante la chaîne d’information à travers les revendications avec ses alliés et envers ses ennemis et dont l’objectif principal était de se faire connaître du plus grand nombre de personnes.
Dans les événements de 1996 et 1997 on a pu observer que le gouvernement brésilien et les entreprises de communications ont eu une certaine tendance à discréditer ce mouvement considérant que sa lutte ne devait pas être débattue par la société. Notre étude a cependant démontré qu’à partir des stratégies d’organisations des mouvements sociaux il existe une possibilité d’inversion entre l’imposition des médias sur le sujet qui va être discuté par l’ensemble de la société (la possibilité pour les grands réseaux de communications de proposer ou dissimuler un thème qui va être débattu), et la capacité que les mouvements sociaux ont de rompre le silence des médias en proposant où, quand et dans quel espace sera discuté un thème donné. En somme, l’imposition des thèmes qui sont discutés par l’opinion publique n’a pas seulement de poids que du côté de ceux qui contrôlent les médias.
Un autre aspect intervient : c’est qu’après le massacre de l’Eldorado dos Carajás il y a eu une croissance considérable du nombre d’articles publiés dans les journaux, les revues et les reportages dans les journaux télévisés sur le mouvement « MST » qui démontraient que les mouvements sociaux et surtout l’opinion publique ont la capacité de déclencher la concurrence entre les médias. A ce propos, Armand et Michele Mattelart indiquent l’importance de « l’individu-consommateur » dans la structure économique des entreprises de communication dans la société néo-libérale. « Il ne s’agit pas de n’importe quel consommateur, mais d’un consommateur dit souverain dans ses choix, sur un marché dit libre » (1995 : 88).
D’autre part, si les médias brésiliens ont été un agent de formation et de diffusion d’idéologie, ils en ont également été le reflet. En exemple, les journaux ne peuvent échapper à un mécanisme d’adéquation à leur public. En tant qu’entreprises, ils sont tenus d’obtenir des crédits ou des annonces publicitaires, mais doivent également conserver leurs lecteurs. Les grands journaux populaires, quelle que soit l’optique de leur propriétaire, ne se sont jamais situés ouvertement contre les opinions du public. Les procédés d’adaptation des médias à leurs consommateurs, récepteurs, lecteurs ne sont d’ailleurs pas aussi empiriques qu’on pourrait le croire. Depuis les années 1950, les instituts d’étude de marché effectuent, pour le compte des grandes publications brésiliennes, des enquêtes sur les habitudes de lecture, qui indiquent les articles les plus lus, les rubriques préférées ou les thèmes d’actualité privilégiés. Le contenu des journaux résulte ainsi d’une interaction entre les intérêts économiques des entreprises et les caractéristiques de leur public. Les schémas théoriques de l’école américaine, « agenda setting », ignorent généralement cette interaction, négligeant le rôle des déterminantes économique et politique dans l’évolution de l’information par l’ordre du jour des médias.
La considération finale de ce travail consiste à dire qu’il existe un problème bien plus profond que celui traité dans notre analyse, il consiste, en effet, à comprendre l’interaction socio-politique entre les mouvements sociaux, les médias, l’opinion publique, de façon à déterminer lequel parmi ces acteurs est le plus efficace dans l’imposition du thème dans le débat public. Remarquons la variété des les auteurs qui travaillent avec des arguments et des théories assez diversifiées sur les mouvements sociaux et les médias. Ainsi, nous espérons que d’une façon ou d’une autre l’analyse de cette étude pourra contribuer au débat théorique des recherches dans ce domaine.

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www.revolucionarios.hpg.com.br
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www.sos-fazendeiros.org.br
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www.al.rs.gov.br
www.uol.com.br.

MAGAZINES

Business Week 03/11/1999),
Caros Amigos 04/06/2002.
Caros Amigos n° 12/4/2002.
Time 19/4/1998.
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Isto é -23/04/1997.

JOURNAUX

Estado de Sao Paulo (ESP).
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Folha de Sao Paulo (FSP)
19/4/1996 ; 22/04/1996 ; 23/04/1996 ; 29/04/1999 ; 03/07/1999 ; 04/07/1999 ; 08/07/1999 ; 24/07/1999 ; 30/07/1999 ; 10/08/1999.
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19/04/1996 ; 22/04/1996;23/04/1999 ; 24/04/1999 ; 08/06/1999 ; 09/06/1999 ; 18/06/1999 ; 07/07/1999 ; 10/07/1999 ; 15/07/1999 ; 27/07/1999.
O Globo (OG)- 19/04/1996 ; 22/04/1996 ; 23/04/1996 ; 1996, 08/05/1999 ; 23/05/1999 ; 13/06/1999 ; 15/06/1999 ; 27/06/1999 ; 09/07/1999 ; 10/07/1999 ; 15/07/1999.